Tu es Guinéen ? Alors ce message s’adresse à toi.
Ce matin je prends ma plume et m’allonge sur ma petite natte pour rédiger cette missive que je veux expédier vers le château d’eau de l’Afrique de l’ouest. Oui, vers le pays du Mont Nimba, de la bauxite de Sangarèdi, des massifs du Foutah Djallon, des diamants de Banankoro… bref, ce petit paradis sur Terre hélas transformé en enfer par ses propres enfants.
Mes chers compatriotes
Le soleil continue à se lever et à se coucher. C’est évident me direz vous, et comme on le dit rien de nouveau chez nous. Chaque matin que Dieu fait, rares sont les bonnes nouvelles qui nous viennent de chez nous. Ces dernières années, à chaque fois que nous avons fait la Une des médias du monde, ça a été soit pour parler des manifestations politiques, des massacres du 28 septembre, de Womey, de Zogota ou encore tout dernièrement de la fièvre Ebola. Est-ce que cela vous fait plaisir ? Je ne pense pas. Chacun de nous a le cœur serré quand il entend cela et on aurait aimé entendre tout le contraire.
Mes chers compatriotes
L’Abbé Pierre disait, je le cite :
« Les hommes politiques ne connaissent la misère que par les statistiques. On ne pleure pas devant les chiffres ».
Ceci pour dire qu’on a donné trop de place à la politique dans ce pays. Oui, il nous faut de la politique pour la vie de la nation, mais posons-nous la question de quelle politique. Difficile de donner un avis en toute objectivité dans ce pays au risque de se faire classer automatiquement soit dans la mouvance soit dans l’opposition. Et pourtant nous avons tous un objectif commun : le développement de notre cher pays.
Depuis 2010, nous sommes dans un processus électoral qui n’a que trop duré. Nous donnons la priorité à ce qui le mérite le moins, c’est-à-dire la politique. La politique ne doit pas rythmer la vie d’une nation. J’ai toujours caressé le rêve de voir les institutions de ce pays jouer pleinement leurs rôles. Hélas, tous ses grands hommes ont mis au tapis le serment qu’ils ont prêté pour garder un poste qui ne durera au maximum que le temps d’une vie. Ont-ils oublié qu’une page de l’histoire est ouverte quelque part et qu’ils auront des comptes à rendre ici ou là-bas ?
Mes chers compatriotes
Au lendemain du 28 Septembre 1958, nous étions un peuple fier et indépendant, malgré les risques que l’on courrait vue la manière avec laquelle nous avons eu notre indépendance. Malgré les difficultés auxquelles nous avons fait face, nous avons quand même avancé ce qui fait de nous un peuple particulier en Afrique de l’ouest. J’ai du mal à croire qu’il a fallu un étranger pour diriger la CENI du pays de Ahmed Sékou Touré, faute de confiance et de consensus entre les fils d’un même pays. Nous avons été incapables de trouver un seul Guinéen parmi 12 millions. Ceci a été une insulte pour nous et pour ce qu’a été notre histoire en Afrique. Ce peuple jadis fier et confiant a sacrifié sa dignité si chère à cause de cette politique.
Mes chers compatriotes
Nous vivons dans un monde qui va tellement vite et qui est tellement ouvert qu’il y a des secteurs qui doivent être hors de la politique. Parmi ces secteurs, je vais citer l’éducation. Voilà un secteur qui définira notre avenir. Que c’est beau de voir ces photos du Stade de Nongo avec ces jeunes si joyeux d’avoir bouclé leurs formations – du moins la licence pour certains. En les voyant si heureux et si radieux, je me pose la question de savoir combien, parmi eux, auront le droit à un master. Nul besoin de dire qu’à défaut d’une formation professionnelle, le master est le minimum nécessaire pour espérer trouver un emploi dans ce monde d’excellence. Ont-ils reçu la formation qui leur permettra d’être en compétition avec leurs homologues du Sénégal, de la Cote d’Ivoire ou encore de la Tunisie ? Quand l’éducation et la formation ne marchent pas, c’est l’avenir même de la nation qui est incertain. Les autres pays investissent des milliards dans l’éducation de leurs enfants car ils savent que leurs avenirs en dépendent. Même si comparaison n’est pas raison, faisons une petite comparaison entre un étudiant de la Guinée et un autre du Sénégal. Une bourse d’un étudiant sénégalais peut parfois dépasser 60 000 FCFA. Il est logé, il ne paye ni eau ni électricité, son petit déjeuner coûte 75 FCFA et son déjeuner et dîner à 300 FCFA. Il a droit à un ordinateur fortement subventionné par l’Etat et, tenez-vous bien, avec une connexion internet haut débit totalement gratuite, 24h/24 au sein du campus. Moi, étudiant Guinéen en L3, je reçois 95 000 FG et cela peut parfois retarder jusqu’à 3 mois. Libre à chacun de se dire qui de ces deux sera plus performant. ET pourtant le Sénégal n’a pas de bauxite, ni du fer encore moins du Diamant ; la Guinée si.
Mes chers compatriotes
Voilà les domaines qui méritent autant de débats, pas celui des ethnies. C’est sur ces points que les générations futures nous jugeront. Voilà ce qui compte pour l’avenir et l’indépendance même de notre pays. C’est à la jeunesse de ce pays de prendre son destin en main. Pas besoin d’être un génie pour deviner qu’eux, leurs fils sont dans les grandes écoles dans les autres pays. Avez-vous une fois croisés un enfant de ministre ou de député dans une école publique ?
Mes chers compatriotes
Les autres pays ne nous attendent pas. A ce rythme, d’autres viendront trouver leurs emplois chez nous pendant que les jeunes du pays seront des simples manœuvres, ce qui serait vraiment regrettable. Pour moi, cette division n’est entretenue que par certains politiciens qui n’ont pour métier que cette politique. Ces hommes politiques passeront et la Guinée restera car on dit que les cimetières sont pleins de personnes qui se croyaient indispensables. C’est à nous de choisir ce que sera la Guinée de demain. ET sachez qu’une autre Guinée est possible.
Mes chers compatriotes
La direction que prend notre cher pays est plus qu’inquiétante, et les déclarations dans les médias ne rassurent personne dans ce pays. Aux uns respectez vos engagements ; aux autres privilégiez le dialogue pour l’intérêt supérieur de la patrie. De cette confrontation personne ne sortira gagnant. Je me souviens encore qu’on s’était battu pour vous au stade du 28 Septembre. Oui, pour vous qui êtes au pouvoir et pour ceux qui sont dans l’opposition. Vous nous faites de la peine lorsque nous voyons que vous êtes incapables de vous asseoir comme des grands pour parler de votre pays. Et pourtant vous étiez tous ensemble à cette époque. On peut aller en Europe, aux Etats-Unis ou partout ailleurs, mais le seul pays où nous ne nous ferons pas traiter d’étranger sera la Guinée d’où notre intérêt à développer et à préserver ce pays. Sachez tout simplement que l’échec de la Guinée sera le votre, chers acteurs politiques.
Mes chers compatriotes
Pour terminer cette si longue lettre, comme le disait Mariama BA, je vais rendre hommage à ce peuple brave de Guinée. Si la classe politique était à la hauteur de cette population, la Guinée serait déjà un Eldorado. Le peuple de Guinée est un peuple travailleur. C’est dans notre pays que tu peux voir les populations se substituer à l’Etat pour construire des écoles, des centres de santé, cotiser pour payer les enseignants. Il est temps que cette classe politique se remette en cause pour le bien de ce peuple qui n’a que trop souffert. Il est temps pour vous de penser à ces femmes qui travaillent tous les jours du matin au soir pour nourrir leurs familles. C’est impossible que nous héritions d’un pays aussi riche et qu’on vive dans la misère la plus absolue. Le temps de parler de l’avenir de notre pays est arrivé.
Dans l’espoir qu’un jour cette Guinée sera un pays d’espoir, un pays de fraternité avec une jeunesse tournée vers l’avenir, un pays où la diversité sera une richesse veillez agréer chers compatriotes, l’expression de mes salutations les plus sincères.
Que Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens.
Mamadou Adama KOULA DIALLO
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